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Article 24 de la loi de Sécurité globale : vers une société liberticide ?

Par Céline B. pour BU


De 2015 à 2020, la France a passé trois de ces dernières années en plein état d'urgence dans une alternance entre menace terroriste et crise sanitaire sans précédent. Après des mois complexes, marqués par une pandémie mondiale et l'accroissement exponentiel des tensions sociales, la récente loi de sécurité globale est apparue comme la goutte d'huile supplémentaire jetée sur un brasier déjà vif et ardent. Depuis la succession de lois sécuritaires, le mouvement des Gilets Jaunes ou encore la montée des violences policières, le pays semble être à un carrefour de son histoire, à un moment-clé d'une situation capable de basculer d'une journée à l'autre.


Au cœur de ce puits sans fond, l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale n'a pas tardé à relancer les polémiques et à susciter une forte dissension dès sa présentation. Déposé début novembre par les députés LREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du RAID, le texte de loi, composé de trente-deux articles, comprend plusieurs points-clés visant à modifier la figure de la police et de la sécurité dans le pays. Entre une volonté d'étendre le pouvoir de la police municipale ou une possibilité accrue d'utilisation des images de vidéo-surveillance, les différentes mesures proposées ont été éclipsées par un article 24 controversé.


Décryptage d'un texte contesté


Mais que dit réellement le texte ? Formé de deux paragraphes, sa première version évoque, dans le premier d'entre eux, l'interdiction de filmer policiers et gendarmes lors de leurs interventions sécuritaires. La loi prévoit « un an d'emprisonnement et […] 45 000 euros d'amende » en cas de diffusion, sous divers supports, de « l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d'identification individuel lorsqu'il agit dans le cadre d'une opération de police. »


Le deuxième paragraphe, pour sa part, démontre que la loi sur la liberté de la presse « ne fait pas obstacle à la communication aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu'elles diligentent, d'images et éléments d'identification d'un fonctionnaire de la police nationale ou d'un militaire de la gendarmerie nationale. » En d'autres termes, le texte de loi cherche, avant tout, à protéger les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, l'enregistrement, puis la diffusion de ces images sur les réseaux sociaux, pourraient entraîner, pour le contrevenant, des poursuites judiciaires et une condamnation.



Une violence qui n'en finit plus


Depuis l'apparition du mouvement des Gilets Jaunes et l'enchaînement de plusieurs manifestations houleuses, ce type de vidéos captées en fin de parcours est pourtant devenu une triste habitude des rassemblements. Dès lors, il ne se passe aujourd'hui quasiment plus aucune dispersion de cortège sans voir fleurir, notamment sur Twitter, des images questionnant la corrélation entre une colère montante et une violence qui se banalise. Pour les opposants à cette loi, l'article 24 encouragerait une dérive « liberticide » qui ne ferait qu'envenimer une situation déjà tumultueuse, tout en rendant invisibles les excès d'autorité.


Alors que sa légitimité est régulièrement remise en cause après le dépôt d'une plainte pour viol, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est attiré les foudres des journalistes et des associations. Face à ces accusations d'« atteinte aux libertés publiques », le gouvernement a dû déposer un amendement afin de clarifier un texte jugé flou et ambigu. La formule « sans préjudice du droit d'informer » a ainsi été ajoutée en ouverture du premier paragraphe tandis que la phrase « dans le but qu'il soit porté atteinte » s'est transformée en « dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte ». Ces changements minimes ne sont toutefois pas parvenus à balayer des doutes bien trop tenaces.