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Jean-Pierre Bacri, le départ d'un tendre et talentueux râleur

Par Céline B. pour BU


Le communiqué lapidaire, sans afféteries, tombe ce mardi soir de janvier : Jean-Pierre Bacri est parti, vaincu par le cancer dans un combat qu'il avait passé, pudiquement, sous silence. À sa lecture, face à cette formulation simple et sans équivoque, on l'imagine encore, assénant presque à son agent que non, il ne faudra surtout pas écrire « des suites d'une longue maladie » comme le veut la coutume. Pour privilégier la franchise et le refus de l'hypocrisie tel qu'il l'a toujours choisi durant quarante années de carrière.



L'émergence du « style Bacri »


Issu d'une famille modeste, juive d'Algérie, Jean-Pierre Bacri découvre le cinéma grâce à son père, facteur la semaine et guichetier le week-end dans une salle obscure de Castiglione. À l'âge de 11 ans, il déménage à Cannes, avec ses parents, et, après avoir obtenu son baccalauréat, entame des études de lettres pour devenir enseignant. Mais son goût pour la dramaturgie finit par le rattraper : il démarre une formation d'acteur au cours Simon tout en enchaînant les petits boulots, dont celui de placeur à l'Olympia.


Ses débuts se font au théâtre dans des pièces mises en scène par Jean-Pierre Bouvier (Ruy Blas, Don Juan, Lorenzaccio) mais le comédien commence déjà à écrire, de son côté, pour s'affranchir des étiquettes qu'il ne veut pas se voir accoler. En 1979, il joue, pour la première fois, au cinéma dans Le Toubib de Pierre Granier-Deferre où il côtoie Alain Delon mais c'est son personnage de proxénète dans Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady, en 1982, qui le fait finalement connaître au grand public.


Dans cette succession de seconds rôles populaires, de Subway (Luc Besson, 1985) à L'Eté en pente douce (Gérard Krawczyk, 1987) en passant par Mes meilleurs copains (Jean-Marie Poiré, 1989), le « style Bacri » se dessine dans son affection pour les films de groupe où explose un jeu nerveux, piqué par l'emportement et l'ardeur. En parallèle, il fait la rencontre de l'actrice Agnès Jaoui en 1987, sa partenaire dans la pièce d'Harold Pinter, L'Anniversaire, sans savoir que le couple de travail et de vie qu'ils vont former va changer le cours de sa carrière.



Agnès Jaoui, la rencontre de sa vie


Entre Bacri et Jaoui, les « Jabac » selon la formule d'Alain Resnais, la connexion est immédiate. L'un comme l'autre s'accordent à reconnaître la complicité exceptionnelle qui se noue entre eux dans une même observation corrosive des travers humains et d'une société hantée par les faux-semblants. À quatre mains, ils signent, dès 1991, la pièce Cuisine et dépendances : le succès est tel qu'ils sont récompensés par quatre Molière l'année suivante avant d'être adaptés par Philippe Muyl au cinéma.